LFDPT – Bonjour Mélissa, peux tu te présenter?
Mélissa Constantinovitch : J’ai une formation de monteuse, un BTS audiovisuel à la suite duquel j’ai travaillé pendant 2 ans dans une société de production de films documentaires en région Nouvelle-Aquitaine en tant qu’auteur-réalisatrice et monteuse. À 20 ans, j’ai appris l’écriture et la réalisation avec des techniciens rompus à l’art du tournage qui m’ont tout enseigné avec beaucoup de bienveillance. Je me suis ensuite installée à Paris où j’ai travaillé comme intermittente du spectacle pendant 13 ans, surtout sur des sujets documentaires liés au patrimoine, à l’histoire et à la politique. Je me suis installée en Polynésie française en 2017 et je continue à mettre mes compétences au service de films liés à la culture polynésienne et à la biodiversité.
LFDPT – Tu es donc une jeune réalisatrice, quels sont tes premiers films documentaires déjà produits?
Mélissa Constantinovitch : J’ai appris le métier de monteuse que j’exerce depuis 18 ans, mais l’écriture, la réalisation et le montage sont intimement liés depuis mes débuts, même si le montage a toujours été prédominant. Les Films du Pacifique m’ont accordé leur confiance pour réaliser des 26′ de la collection Bleu Océan. Il s’agit de mes premiers documentaires réalisés seule et en tant qu’indépendante. Pour cette série, j’ai réalisé “Agnès, un combat pour les baleines”, “Raimana et le chasseurs de vagues”, “Le Rahui pour la biodiversité”.
Le process de la réalisation
LFDPT – Quand tu reçois un sujet documentaire à réaliser, quel est ton process de réalisation?
Mélissa Constantinovitch : En général, quand je commence à travailler sur un sujet, je suis une page blanche, je ne sais rien ou très peu de choses. J’aime bien les sujets scientifiques alors j’ai une phase de documentation assez conséquente.
La documentation
Je lis beaucoup de publications, je regarde ce qui a déjà été fait sur le sujet, je cherche un angle et des personnages potentiels. Une fois que je suis sensibilisée au sujet et capable d’en discuter avec des spécialistes, je les rencontre pour connaître les dernières recherches en cours et affiner les problématiques que je vais pouvoir développer dans un film.
L’écriture
Ensuite seulement j’écris un «développement» en imaginant une progression, une structure avec des séquences et les personnages que j’ai pu rencontrer ou auxquels j’ai parlé au téléphone, c’est là que ma vision de monteuse est très utile. J’écris aussi une note d’intention en précisant notamment mon point de vue et les éléments techniques et enjeux du film.
“Filmer le réel n’est pas facile, il faut le mettre en scène…“
Les repérages
Avant de tourner, si c’est possible, je vais repérer les lieux pour imaginer où placer mes personnages et comment les mettre en scène. J’en parle avec le cadreur avant le jour du tournage et il me fait souvent des propositions en fonction de la séquence à tourner. S’il y a des séquences sous-marines, je prépare un découpage technique pour que le cadreur sache où se placer et quoi filmer et je briefe les personnages avant pour qu’ils attendent ou répètent un geste par exemple. Filmer le réel n’est pas facile, il faut le mettre en scène pour qu’il soit signifiant. Je pense qu’on aimerait tous avoir une caméra dans l’oeil bien sûr, car les moments les plus intéressants sont souvent ceux qu’on vit mais qu’on ne filme pas! Les personnages sont parfois surpris de devoir refaire une entrée de champ ou un geste afin qu’on change d’axe ou de focale.
Le tournage
Le jour du tournage, j’essaie de mettre en scène ce que j’ai anticipé mais souvent, il y a des imprévus. Parfois,un personnage nous fait faux bond, la météo est mauvaise ou ça ne se passe pas comme on l’avait imaginé. Il y a de bonnes surprises aussi, un personnage qui apporte un éclairage inattendu, un moment de grâce dans une scène de vie. Les Polynésiens sont très spontanés et tout peut arriver!
Le montage
En général, je monte mes films, mais j’aime bien avoir un monteur, c’est un regard extérieur qui apporte des échanges riches et des possibilités que je n’avais pas envisagées. De toute façon, je fais toujours un plan de montage et je fais le dérushage de ce que j’ai tourné avant de travailler avec un monteur.
“… chaque sujet est une nouvelle découverte”
LFDPT – Qu’as tu appris de la Polynésie? des rencontres et des sujets traités?
Mélissa Constantinovitch : En arrivant en Polynésie, j’avais l’impression de tout comprendre très vite. Et plus les années passent, moins je comprends la Polynésie, et plus elle me semble complexe et mystérieuse au sens où c’est une culture riche de plusieurs niveaux qui ne se laisse pas appréhender si facilement.
Bref, je l’aime de plus en plus mais différemment… Un peu comme lorsqu’on cherche son chemin ici, il n’y a pas vraiment d’indications, il faut juste observer avec plus d’attention, c’est comme ça qu’on trouve et qu’on apprend. De toute façon, les Polynésiens se moquent bien d’apparaitre dans un film, ils acceptent de le faire si on passe un bon moment ou pour me faire plaisir, j’essaie de garder ça en tête et de leur rendre la pareille. J’apprends beaucoup au contact de mes personnages, chaque sujet est une nouvelle découverte. Mais j’ai aussi appris qu’il faut poser LA bonne question, aller droit au but et ne pas se perdre en blablabla. Je regrette de ne pas parler le Reo parce que je suis consciente que je passe à côté de beaucoup de subtilités, mais quand c’est possible je privilégie les interviews dans la langue maternelle du personnage.
LFDPT – Quels sont tes projets actuels de réalisation ?
Mélissa Constantinovitch : En ce moment, je travaille sur la saison 3 de la collection Bleu Océan pour Polynésie la 1ère, un sujet sur le biomimétisme et un autre sur les pahua (bénitiers) à Reao. Cette collection est axée sur la préservation de la biodiversité, exceptionnelle ici, chaque sujet permet de sensibiliser le public aux questions environnementales et c’est très intéressant d’explorer ces problématiques qui nous touchent tous. Pour une autre collection, lié eaux produits phares du Fenua, Ça Pousse au Fenua, je viens de terminer un film sur le lait en Polynésie et je travaille actuellement sur la vanille de Tahiti. Ce que j’aime sur cette série, c’est qu’il y a un ancrage historique autour du produit, donc je passe beaucoup de temps au SPAA (le service des archives du territoire) où je découvre des pépites! Notamment des films couleurs amateurs des années 50-60 qui montrent la vie quotidienne des îles, de vrais trésors!